La contribution des musulmans à l’expédition de Christophe Colomb fait partie de l’Histoire occultée que l’Occident a relégué aux oubliettes. Il n’y a pratiquement pas de professeurs d’histoire européens ou américains qui enseignent que les musulmans permirent aux Européens de « découvrir » l’Amérique et encore moins qu’ils entreprirent des voyages vers le Nouveau Monde plusieurs siècles avant que Colomb ne soit né.
Les expéditions musulmanes vers le continent américain devraient pourtant susciter estime et admiration du fait qu’elles n’aient jamais abouti à une colonisation, un génocide ou un asservissement des peuples indigènes. Les rencontres et les échanges entre musulmans et Amérindiens se sont toujours déroulés dans le respect et la dignité.
A contrario, les conquistadores[1]Les conquérants espagnols et portugais qui sont partis au XVIe siècle pour dévaster le Nouveau Monde. eurent une approche tout à fait différente. La colonisation des Espagnols en Amérique a non seulement démontré à quel point ces derniers furent xénophobes et antisémites, mais aussi et surtout islamophobes…
CHRISTOPHE COLOMB, UN CROISÉ RETARDATAIRE
Qu’avaient à voir les conquistadores de l’Amérique avec le combat antimusulman que menaient les Européens en Orient ? Beaucoup, car les chefs d’expédition espagnols furent bien plus que des explorateurs à la recherche d’or. On avait affaire à des « catholicistes » radicaux dont l'idéologie intégriste justifiait les campagnes terroristes qu'ils menèrent à échelle mondiale et dans lesquelles périrent plusieurs dizaines de millions d’innocents.
Prenons l’exemple de Christophe Colomb qui, avec son expédition, aspirait à financer les croisades et le massacre de musulmans. Durant sa première expédition, le 24 décembre 1492, le navigateur espagnol exprime son désir de lancer une croisade pour « libérer Jérusalem ». Il espère trouver de l’or en grandes quantités pour « permettre aux souverains de préparer la conquête des lieux saints en moins de trois ans. »[2]Tzvetan Todorov, “The Conquest of America". En s’adressant au roi espagnol, il écrit :
Je vous rappelle mes déclarations adressées à Votre Altesse sur le souci de consacrer tous les revenus de mon expédition à la conquête de Jérusalem. Votre Altesse sourit et répondit que, même sans cela, il partagea déjà ce fort désir.
Dès lors, Christophe Colomb fut bel et bien un croisé retardataire qui se servait de la conquête de l'Amérique pour financer un autre front à des fins évangélistes. Dans une lettre adressée au roi espagnol avant son départ, Colomb exprima son désir ardent de convertir « les adeptes de la secte de Mahomet » dans le monde musulman :
En cette présente année 1492, qui sonne la fin de guerre en Europe contre les Maures dont vos Altesses ont fait cessé le règne, notamment à Grenade, celle ville qui, le deuxième jour du mois de janvier de cette même année, vit arborer sous mes yeux ébahis les étendards royaux de Vos Altesses aux tours d’Alhambra ; le roi maure déchu franchit les portes de la ville après avoir pris soin de baiser les royales mains de Vos Altesses et du Prince. Mon seigneur ; bientôt, en ce même mois, en suite des informations que j’avais donné à Vos Altesses des terres de l’Inde et d’un prince appelé Grand Khan et de ce que maintes fois, lui et ses prédécesseurs avaient envoyé à Rome y demander des docteurs en notre Sainte Foi afin de s’en instruire, et parce que jamais le Saint-Père n’y avait pourvu et qu’ainsi tant de peuples se perdaient, tombant en idolâtrie et recevant parmi eux des sectes de perdition. Vos Altesses, comme catholiques chrétiens, princes fidèles et propagateurs de la Sainte Foi chrétienne, ennemis de la secte de Mahomet et de toutes les idolâtries et hérésies, pensèrent m’envoyer, moi, Cristobal Colon, auxdites contrées de l’Inde pour y voir lesdits princes, et les peuples, et les terres, et leur situation, et toute chose ainsi que la manière dont on pourrait user pour convertir ces peuples à notre sainte Foi.
En étudiant la personne de Christophe Colomb, de nombreux qualificatifs viennent à l’esprit ; croisé, colon, missionnaire, génocidaire, esclavagiste, xénophobe, fanatique, pilleur, etc. Néanmoins, il représentait exactement les valeurs de l’Europe médiévale : conquête, expansion, racisme, asservissement et conversion forcée d’autres peuples au christianisme…
QUAND UNE CONQUÊTE EN DÉCLENCHE UNE AUTRE
Très vite, la conquête du Nouveau Monde engendra chez les Conquistadores espagnols un désir ardent de conquérir les terres musulmanes. Mahmoud Shâkir décrit comment la « découverte » de Christophe Colomb déclencha l’invasion du monde musulman :
Après l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique, un torrent envahisseur jaillit d’Europe en se frayant un chemin vers l’or et les trésors alléchants. Des aventuriers féroces et impitoyables déferlèrent sur une terre vierge dont ils pillèrent les richesses au terme de leur sanglante invasion. Sans la moindre compassion, ils versèrent le sang de millions de personnes. Fort de leur esprit mesquin, ils se rendirent coupables de nombreuses trahisons. Personne n’arriva à freiner leur avancée brutale. Une fois sa rancune assouvit, L’Européen avait exercé sa rancune sur une peuple innocent et pouvait désormais se tourner vers la terre d’Islam, le vieil ennemi…
De nombreux liens directs peuvent être établis entre la « conquista » du nouveau pays d’Or et le combat contre les Arabes à l’autre rive de la Méditerranée. Parfois, un même conquérant opérait successivement sur les deux fronts. Ce fut le cas de Hernàn Cortés (1485-1547), qui après l'invasion du Mexique et du Honduras, se tourna, vingt ans après, vers la conquête de l'Afrique du Nord au côté de Charles Quint (1500-1558) dans sa conquête de l’Afrique du Nord. La bataille d’Alger qui se déroula en 1541 fut sa dernière bataille.
La corrélation entre la ruée vers l’or et la guerre contre les Arabes s’exprima également de façon apparente dans le langage des conquistadors. Les temples indiens furent appelés « Mezquit’as » (mosquées), les recruteurs d’esclaves furent baptisé « Mamelucos » qui est une déformation du terme arabe 'Mamelouks' ; et comme ils n’appréciaient pas l’architecture des Aztèques, des Maya’s et des Inca’s, ils introduisirent le « Mudejar », une architecture arabisée issue de l’Andalousie. Les Espagnols considéraient les Arabes comme l’archétype païen, leur idiome fut l’idiome de tous les païens.
Un autre lien est à chercher dans la figure du patron de la conquista : Saint-Jacques de Compostelle, mieux connu sous le nom Santiago Matamoros, qui signifie « Santiago le tueur de Maures ». Jusqu’à ce jour, il est considéré comme le « patron de l’Amérique latine ». Or il avait débuté sa « carrière » en tant que patron de la guerre contre les musulmans d’Andalousie. Habillé en chevalier blanc, il s'invita furtivement dans le camp chrétien en vue d'encourager les troupes.
En Amérique, à l'autre bout du monde, ce même Saint-Jacques reçut le funeste surnom de « Mataindios », le tueur d’Indiens. De nombreux soldats espagnols en Amérique furent membres de l’ordre de chevalerie de Santiago, fondé en 1175. Ils avaient pour devise « Bubet ensis sanguine Arabum » (le sabre rouge du sang d’Arabes) et leur insigne fut un sabre ensanglanté avec pour insigne la coquille blanche de Saint Jacques.
L’iconographie employée dans la propagande anti-amérindienne fut identique à celle des batailles contre les musulmans : on y voit un chevalier sur un cheval blanc avec à ses pieds les dirigeants des Incas et Aztèques au lieu des dirigeants Maures[3]Lucas Catherine, « Al-Islâmûfûbiyah, Alf Sana Min al-Harb ‘Ala al-Islâm’ ».
Frappés d’amnésie collective, les historiens occidentaux ne traitent que rarement ce type d’analogies historiques. Pourtant, les Amérindiens et les musulmans d’Afrique du Nord ont subi des cruautés semblables, infligées par un même ennemi ; les conquistadores chrétiens. Ce furent peut-être les conquérants les plus impitoyables que l’histoire n’ait jamais connus…
A suivre...
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