La tribune « non au séparatisme islamiste » parue dans le Figaro du 19 mars, évoque des « islamistes qui ont réussi à s’implanter » et souligne le danger de « l’arme de la conquête politique et culturelle de l’islamisme ». Les « islamistes » sont présentés comme des habitants mystérieux qui errent dans les cités comme le feraient les soldats d’une armée d’occupation. On leur reproche de ne pas entretenir un lien étroit avec la République et même de comploter contre celle-ci [1]Ce sont exactement les accusations portées par les nazis à l’encontre des Juifs : « Dès le départ, le Juif, habitant mystérieux d’un ghetto fantasmé, est perçu comme un élément … Continue reading. Comme si, en pratiquant un peu plus leur religion, les Français de confession musulmane étaient devenus un peuple étranger venu en Occident pour s’installer dans un pays qui n’est pas le leur.
Pire encore, la conception de « l’implantation » permet aux cent « intellectuels » de présenter les pratiques religieuses des musulmans français comme une invasion forcée d’hommes barbus et de femmes voilées venus pour s’emparer du pouvoir.
Cette vision de l’« autre » qui « s’implante dans le pays » est aussi un élément clé du discours d’Adolf Hitler. Dans Mein Kampf, il décrit les Juifs, en dépit de leur citoyenneté allemande, comme des vermines parasites qui se cramponnent là où ils s’établissent :
Le juif reste à l’endroit où il s’est établi et s’y cramponne, à tel point qu’on ne peut l’en chasser que très difficilement, même en employant la violence. Il est et demeure le parasite type, l’écornifleur qui, tel un bacille nuisible, s’étend toujours plus loin dès qu’un sol nourricier favorable l’y invite. L’effet produit est celui des plantes parasites : là où il se fixe, le peuple qui l’accueille s’éteint.
Ce type de discours est décrit par le chercheur américain Louis Harap comme de l’« antisémitisme culturel » qu’il définit comme une « forme d’antisémitisme qui accuse les Juifs de corrompre une culture existante et de vouloir la supplanter ». Ainsi, les Juifs corrompraient la morale et la civilisation du pays dans lequel ils vivent par leur culture[2]Louis Harap, ‘Creative awakening: the Jewish presence in twentieth-century American literature, 1900–1940s’..
Hitler estimait que les Juifs, de par leur « nature parasitaire et totalitaire », visaient à dominer, non seulement l’Allemagne, mais le monde entier. L’idée fut largement reprise dans le film de propagande nazie Le péril juif (‘Der Ewige Jude’, 1940) qui présentait les Juifs comme des parasites culturels vagabondant dans la société aryenne.
Comparons les propos du führer sur les Juifs dans Mein Kampf avec ceux du député François Pupponi prononcés à l’égard des « islamistes » dans la tribune du Figaro : ' Nous assistons aux prémices d’une implantation assumée par tous et par les services de renseignement. Mais l’État ne fait rien pour éviter la catastrophe.'
Pupponi parle d’un « nouveau totalitarisme islamiste » qui — ayant remplacé le totalitarisme juif — chercherait à « gagner du terrain par tous les moyens » et « à exposer le peuple au retour des guerres de religion ».
À son époque, Adolf Hitler évoquait des juifs qui « s’établissent » dans son pays et « s’y cramponnent ». Pupponi paraphrase le führer et parle de musulmans qui « s’implantent » en France. Hitler disait que le Juif « s’étend toujours plus loin dès qu’un sol nourricier favorable l’y invite », Pupponi décrit des musulmans qui « cherchent à gagner du terrain » alors que « rien n’est fait » pour les en empêcher[3]Très similairement, Nadine Morano parle d’une « islamisation conquérante de ceux qui veulent ramener chez nous un mode de vie moyenâgeux »..
Si les propos sont tellement similaires, c’est que la pensée est identique. Pour éviter « la catastrophe » évoquée par François Pupponi, la stigmatisation des musulmans devient entièrement légitime, voire un devoir citoyen. Si on laisse les « parasites » avec leurs « pratiques rigoureuses et déshumanisantes » s’implanter dans « nos » rues et s’établir dans « notre » pays, ils ne pourront plus en être chassés et « le peuple d’accueil s’éteindra » (en l’occurrence les Français).
Hitler appelait sans cesse son peuple à se méfier des Juifs. Pour lui, la race aryenne était menacée de dissolution et, pour la préserver, il ne fallait pas que les races se mélangent (interdiction de mariages mixtes, etc.). Dans la doctrine totalitaire de Pupponi, c’est pareil. Il estime qu’une société multiculturelle ne peut que mener à une perversion de la culture française et, par conséquent, à l’extinction du peuple français.
Adolf Hitler et François Pupponi partagent une volonté systématique de réduire leur ennemi respectif à l’état d’un animal conquérant...
Extrait de l'eBook
"Le Figaro – De l’islamophobie ordinaire à la propagande nazie"
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Notes:
↑1 | Ce sont exactement les accusations portées par les nazis à l’encontre des Juifs : « Dès le départ, le Juif, habitant mystérieux d’un ghetto fantasmé, est perçu comme un élément étranger au Volk (peuple) ; il peut être appréhendé comme un déraciné, donc privé des hautes qualités morales permises par l’intimité du lien entre le Volk et son territoire, ou bien comme un acteur entreprenant de complots ourdis contre les non-juifs », George L. Mosse, ‘The crisis of German ideology’. |
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↑2 | Louis Harap, ‘Creative awakening: the Jewish presence in twentieth-century American literature, 1900–1940s’. |
↑3 | Très similairement, Nadine Morano parle d’une « islamisation conquérante de ceux qui veulent ramener chez nous un mode de vie moyenâgeux ». |
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